Interview - Willy Mix

Nous avons discuté avec Willy Mix, DJ ambianceur Camerounais résidant actuellement en Belgique.

Pour commencer peux tu te presenter au public? Qui est Willy Mix?

Willy Aude Nana Nkwamen, de mon vrai nom, je suis un homme marié, vivant en Belgique et père de cinq enfants.

Titulaire d'une Licence en sciences économiques et de gestion a l’Université de Dschang et titulaire d’un Bachelor en électronique médicale. C’est grâce à ce diplôme que je suis actuellement employé dans un grand groupe hospitalier Bruxellois (Le CHIREC) dont ma fonction principale est la maintenance des appareils médicaux.

De plus et afin de parfaire ma formation, je suis des cours du soir dans le but d’obtenir un diplôme d’ingénieur en électromécanique.

Le DJ n’est donc qu’une passion qui me permet d’arrondir les fin de mois qui sont parfois difficiles.

Comment et depuis quand est-ce que tu rentres dans le monde du mix?

C’est depuis Septembre 1998 alors que je n’étais qu’un jeune étudiant en sciences économiques et de gestion à l’Université de Dschang au Cameroun que je découvre l’univers du DJ-ing. Etant membre très actif de l’amicale des étudiants de l’Université de Dschang (AMETUD) , nous organisions des foires et des soirées d’etudiants chaque année et nous avions constament des problèmes pour l’animation. Chaque fois nous dépensions trop d’argent pour louer des DJ. Je me suis donc proposé de donner un coup de main, vu que je faisais deja de petites animations dans ma chambre d’etudiant pour mon plaisir.

C’est ainsi qu’avec mon petit équipement de chambre, j’ai commencé à animer dans les stands des exposants.

Les choses se sont tellement bien passées que lors de l’édition suivante, la société Guinness m’a proposé d’animer dans son stand. Ils m’ont demandé si j’avais tout le matériel nécessaire, j’ai répondu par l’affirmative alors que je n’en avais pas. Je me suis donc précipité à Bafoussam (ville voisine) pour y acheter ce qu’il me fallait. J’en ai profité pour rencontrer le meilleur DJ de la province à l’époque, Saint Jégus, pour lui demander de me faire des CD mixés d’animations. Avec ces animations pré-enregistrées de grande qualité, j’ai fait mal !

Après cette animation, les propositions et les soirées s’enchaînaient mais mes animations devenaient redondantes, vu que j’utilisais les mêmes disques pour animer. Comme j’avais déjà un nom, même comme je trichais, j’ai donc pris peur et j’ai décidé d’apprendre réellement comment faire des mixs, des enchainements; car il fallait gagner la confiance de mon public. Même si je ne savais pas mixer, j’avais détecté des astuces d’animation, je me rendais compte par exemple, que lorsqu’on fait jouer une musique que le public aime et qu’on passe tout de suite à une qui est à la mode, le public continue dans l’euphorie et n’a pas le temps d’apprécier la vrai valeur de la transition musicale. A l’époque, on appelait cela le « cut », je me suis donc perfectionné dans cet type d’animation et je suis donc devenu un champion du cut ! C’est ainsi que j’ai pris le pouvoir à Dschang.

Selon toi, quel est le rôle du DJ dans le developpement de la musique Camerounaise en général?

Le rôle du DJ a pris de l'ampleur dans les musiques africaines populaires récentes. Il est parfois reconnu comme un animateur, une star ou un musicien à part entière.

Le DJ doit jouer un rôle de dénicheur de titres (si je peux le dire). mais aussi être capable de modifier, superposer deux musiques, superposer une musique et l’instrumental d’une musique qui est a la mode tout en faisant preuve de créativité et d'ingéniosité.

En ce qui concerne la musique Camerounaise, il doit être capable d’utiliser des équipements spéciaux ou des ordinateurs pour refondre entièrement le morceau original et donner un nouveau tonus au rythme initial.

Le DJ-ing doit être considéré comme un art contribuant au développement de la musique Camerounaise.

La présence d’un DJ star dans une soirée africaine et camerounaise en particulier est pour beaucoup de personnes, un gage de réussite d’une soirée, un cachet, une certification. Le publique lui fait confiance. Toute musique qu’il diffuse dans une soirée est écoutée avec attention. D’ou l’importance d’un DJ star dans le développement de la musique Camerounaise.

Que penses tu de la musique urbaine au Cameroun aujourd’hui?

Depuis maintenant cinq ans, la scène urbaine Camerounaise est en pleine effervescence et ne cesse de captiver les jeunes et les familles dans notre pays et au-delà. Comme nous le constatons tous les jeunes Camerounais se laissent séduire par la musique urbaine depuis un bon moment, le coup d’envoi de cette nouvelle vague a été, selon moi, le tube “Yelele” du groupe X-Maleya sorti en 2010.

Depuis 2013, ça fuse de partout ! Nous avons vu beaucoup d’équipe se former et beaucoup de révélation musicale à l’instar de Spido, Zayox, Dareal, Inna Money, Teddy Doherty, Wan-Yo, Fankam, Maalhox, Gasha, Magasco, Mr Sto, Veeby, Teety Tezano, S.M.S et pleins d’autres.

Je constate également qu’aujourd’hui des jeunes entrepreneurs camerounais ont décidé de miser sur la musique et d’en faire un business viable en créant leur propre entreprise, ce qui est très encourageant.

Quel modèle propose tu pour la musique urbaine Camerounaise, afin qu’elle soit autant prisée et diffusée que la musique nigériane particulièrement qui rencontre un grand succès dans les clubs en Europe et même en Afrique?

Pour gravir les marches et parvenir au niveau des nigérians, les artistes Camerounais doivent travailler d’arrache pied tout en misant sur une organisation parfaite. Leur carrière doit être gérée au quotidien par des managers et se faire entourer par tout un staff de professionnels qui peuvent mettre assez de sérieux dans la gestion de leur carrière artistique. Nos artistes peuvent par exemples valoriser notre culture à travers les rythmes et sonorités du terroir en les alliant à merveille avec les sonorités occidentales, surtout américaines. Une sorte de mélange de Rnb, Dance hall, Reggae, Jazz, à la sauce Camerounaise pourrait être extraordinaire.

Nos artistes doivent par ailleurs miser sur un syncrétisme musical redoutable, doublé de belles qualités scéniques.

Nos frères artistes peuvent également booster leurs carrières et avoir une bonne assise sur les scènes internationales, en faisant des featuring avec des stars mondialement reconnues. Le groupe P-Square par exemple s’est attaché les services du célébrissime Akon avec qui ils ont joué sur le titre Chop My Money.

Outre ces featuring les artistes Camerounais doivent mettre un peu de sérieux dans la qualité de leurs clips et les adapter aux normes internationales. Ils doivent réaliser leur clip dans des endroits magiques magistralement orchestrées, des scènes à couper le souffle avec des filles d’une beauté envoutante qui peuvent faire rêver les téléspectateurs. Le clip vidéo est un outil indéniable dans la promotion de l’album. Réaliser un clip avant la sortie d’un album assure une promotion efficace de leurs œuvres au plan local comme à l’international.

Tu es très connu du public sur YouTube pour tes différents mixs à succès, mais on constate que tu n’exploites pas tellement les styles plus urbains tels le Hip-Hop, Soul, ou le RnB Camerounais malgré le public grandissant, un raison particulière?

Vous vous êtes trompés, regardez mes mixs vidéo et vous verrez que je fais toujours l’effort d’insérer une ou deux musiques Camerounaises au milieu de dix titres a succès pour obliger tout le monde à regarder et s’habituer aux rythmes Camerounais.

À ce jour je ne le fais pratiquement plus car malgré tous ces efforts où je ne gagne aucun centime, certains artistes Camerounais comme Maahlox ou Dynastie bloquent leur musique sur YouTube pour les droits d’auteur. Ces blocages sont un très grand obstacle pour tous les DJ qui veulent faire des mixs vidéo ou audio et publier sur YouTube. Comment faire connaître une musique si nous ne pouvons pas la jouer librement ?

Es tu en contact, ou travailles tu avec d’autres DJ camerounais? Si oui dans quel contexte?

Oui je travaille beaucoup avec les DJ qui sont au Cameroun. Ce sont eux qui m’informent sur les musiques à la mode au pays, les artistes émergent et m’envoient également des musiques dont j’ai souvent besoin. En Belgique je travaille depuis 11 ans avec un DJ camerounais qui est aujourd’hui mon meilleur ami, un frère de confiance, un collègue digne de ce nom: il se nomme tout simplement DJ François.

De maniere générale est ce qu’un DJ Camerounais vit de son art?

Vu le temps mis par un DJ pour découvrir une musique, faire preuve de créativité et d'ingéniosité afin de séduire son public, je dirais que nos DJ ne vivent pas de leur art.

Alors Willy Mix en tant que DJ quels sont tes projets à moyen terme? 

Mes projets à moyen terme si Dieu le veut c’est de créer une académie de DJ et un syndicat des DJ professionnel au Cameroun.

Willy a la grosse tête ?

C’est aux autres de me le dire, mais je ne pense pas. Beaucoup entendent parler de moi et ont du mal à croire que c’est moi quand ils me rencontrent. J’essaie de respecter tout le monde et de faire de mes clients des rois.

En tant que DJ, c’est le succès assuré auprès des femmes?

Ce n’est pas faux, je suis apprécié par beaucoup de femmes, mais c’est pour mon travail, et pour beaucoup, elles disent que c’est grâce à mes soirées et mon style d’animation qu’elles ont connu leurs maris ou leurs amoureux. Pour cela j’en suis fier.

Un dernier mot Willy ?